Pour un hommage religieux aux victimes de la covid
« Nous les familles, avons souffert de n’avoir pu accompagner nos proches décédés de la covid », dit Sabrina Sellami, dans la lettre ouverte qu’elle envoie au président de la République (https://www.leparisien.fr/societe/monsieur-le-president-rendons-hommage-aux-victimes-du-covid-la-lettre-de-sabrina-a-macron-20-01-2021-8420071.php)
En effet, la souffrance reste là, tenace, et le deuil ne se fait pas. Lisez le témoignage de Sabrina. Il confirme ce que nombre de personnes avaient déjà dit au printemps dernier, à savoir que l’urgence a fait perdre de vue le souci d’accompagner dignement les malades et leurs familles.
Oh, personne n’est inhumain de bon cœur, mais la crainte de la contagion a primé. Et la société technicienne et performante, bienveillante même, parce qu’elle veut le bien, a seulement oublié que la « bonne » santé dépasse la « santé tout court », que l’être humain est plus grand que sa maladie, que ce qui ne se voit pas laisse des traces. Et que si l’on ne tente pas de les effacer, ces traces s’enkysteront au plus profond des psychismes et n’en partiront plus. « Un hommage national », demande donc Sabrina Sellami, pour un peu de baume au cœur et un peu de douleur en moins.
Pour un croyant, quelle que soit sa religion, la proposition fait écho. Elle le renvoie aux principes et aux pratiques de sa religion. En temps normal, devant la fin de la vie, c’est justement la présence qui est la plus décisive des vertus. Ne pas se dérober. Être là. Le mourant et sa famille sont soutenus dans leur foi, à la maison, à l’hôpital. Pour les chrétiens, cette communion s’épanouit et se renforce à l’Eglise, lorsqu‘on remet à Dieu celui qui s’en va. Déjà, lors du premier confinement, des voix s’étaient élevées, venant des fidèles, du clergé et de la presse religieuse, pour demander de mieux prendre en compte ces besoins immatériels car ils sont un élément de la vie. Pour regretter ces obsèques à 10, 20, 30 personnes qui imposent aux proches une double peine.
Aujourd’hui, ne faut-il pas, par un geste fort, tirer les enseignements de ce qui a été vécu ? Pour qualifier ce geste, la Bible parlerait d’« accomplir ». Accomplir, c’est acter d’un événement grave, écarter ce qui détruit le cœur de l’être humain et séparer le temps de la mort de celui de la vie. En somme, c’est aller plus loin dans son humanité. Ne faudrait-il donc pas, au sein de la sphère religieuse, proposer une prière commune, une journée dédiée qui aide à prendre le malheur en charge ? Une journée qui permette à tous ceux qui ont souffert d’entendre : « Non, vous n’êtes pas seuls. Nous, vos frères et vos soeurs, nous ne nous dérobons pas. Nous sommes là ».
Ensemble, priant pour ces personnes décédées, nous les confierions au Seigneur en lui disant : « Seigneur, accueille-les, recouvre de ta bonté les moments trop durs qu’ils ont vécus, l’angoisse du silence, l’absence des êtres aimés, le douloureux sentiment d’abandon devant la mort.
Seigneur, reçois-les dans ton Royaume de paix et d’amour.
Nous te confions aussi leurs parents, leurs amis. Efface les larmes de leurs yeux, décharge-les de cette culpabilité qui les empêche de vivre.
Nous te confions aussi les soignants, dépossédés de leur choix par une décision lointaine et devenue abstraite. Eux aussi souffrent, eux aussi peut-être se sentent coupables.
Mais toi, Seigneur, tu pardonnes et consoles. Aujourd’hui, je te remets mon frère, ma sœur, mon père, ma mère, l’infirmier, l’infirmière et le médecin chargés de les soigner. Tous, ils sont tes enfants, pour toujours. Et que la paix revienne en nous ».
Aussi, l’Église catholique, pour ne parler que d’elle, pourrait instituer, partout où c’est possible, une journée de prière pour les victimes de la Covid. Quelque chose de notre humanité se joue dans de tels moments. Et quoi de plus précieux que l’humain en nous ?
Anne Soupa