Pourquoi célébrer ?
L’’actualité liturgique invite à célébrer Pâques. Vous trouverez au bas de cet article une invitation à le faire, au début de la semaine sainte, dans le cadre de nos rencontres habituelles « Le Forum de l’évêque ».
Pourquoi célébrer ? Parce que l’on est chrétien, tout simplement. Mais encore ? J’ai trouvé revigorant de creuser le sens que l’on donne à un geste aussi décalé par rapport aux canons actuels, et je suis heureuse de le partager.
C’est d’abord le propre de tout être religieux que de « rendre un culte » à Dieu, à la fois pour le remercier et pour lui confier un souci, une souffrance ou une cause. S’y ajoute une motivation plus diffuse et plus gratuite. On célèbre Dieu « parce que c’est lui, parce que c’est moi ». Mais qui est ce « lui », que l’on nomme « Dieu ? », et « moi », qui suis-je ? Et qu’avons-nous à faire ensemble ? Dans une célébration, sont ainsi posées des questions fondamentales, celle de nos identités et celle de leur rapport. Immenses questions, qui mûrissent jusqu’à la fin d’une vie, mais que chaque célébration ravive et enrichit.
La question de l’identité de Dieu se divise en deux « familles » : Dieu est-il le « Tout Puissant maître des armées du ciel », ou le Dieu faible de la crèche ? Les deux peut-être, si cette toute puissance est celle de la faiblesse assumée, qui suscite le service et le secours. Et moi, suis-je la créature fautive qui n’ose se présenter devant Dieu, ou bien un être épris de liberté qui choisit Dieu pour se libérer des idoles ? Un peu des deux ?
Entre absence et présence
Nos réponses, bien sûr, vont marquer le rapport que nous allons, « Dieu et moi », entretenir dans une célébration. Ce rapport est marqué par une tension évidente entre présence et absence. Dans nos sociétés sécularisées, c’est l’absence qui est soulignée. Celui qui célèbre ose oser ce face à face -étrange, mystérieux- avec un absent dont il ne nie pas l’absence, et dont il reconnaît qu’il sait bien peu sur lui, sinon presque rien, contenu dans des livres très anciens, venant de cultures lointaines, et écrits par des hommes faillibles, même s’ils sont inspirés. Mais il le fait « en connaissance de cause », c’est-à-dire à partir de sa réflexion et de son expérience. Cette audace donne à son geste une dimension « politique ». Il affirme que la place vide, celle dont on ne sait rien, elle est la clé de voûte d’une société.
Nos maîtres en la matière, ceux qui ont osé, sont les juifs qui priaient au Temple, avant sa destruction, en 70 ap. J.C. La salle où ils priaient, le Saint, n’était meublée que d’un candélabre et d’un autel où brûlait de l’encens. Leur prière s’envolait vers ces quatre murs nus, dont l’un d‘entre eux les séparait du Saint des Saints, pièce contenant l’arche d’alliance, où seul le Grand-Prêtre entrait, le jour du Grand pardon, Yom Kippour. Des murs et une interdiction de franchir qui disaient l’inaccessibilité de Dieu et son altérité radicale…
Devant ces murs, Jésus a dû, lui aussi, prier, même si les évangiles ne rapportent que ses moments de prière dans la montagne, c’est-à-dire sous le ciel et au milieu des lys des champs. Et là, c’est à son « Père » que, de préférence il parle, compensant peut-être la distance contenue dans le mot « Dieu » par la note tendre d’une parole que l’on adresse à son père.
Pour les chrétiens, l’absence est contrebalancée par une forte foi en la présence, au milieu de ceux qui célèbrent, de Celui qui a vaincu la mort. La messe, ce repas partagé entre tous, donne à l’assemblée le signe de la présence, le corps et le sang offerts pour que la Vie l’emporte : Christ est ressuscité, il est là, et sa résurrection anticipe la nôtre, car « nous ne sommes pas notre propre fin ». Je n’ai compris que récemment cette phrase, pourtant fréquente. Elle dit à la fois que notre « propre fin » existe, mais que nous ne nous y réduisons pas. Nous la dépassons, car nous sommes promis à Dieu. Célébrer, pour des chrétiens, est une occasion de le rappeler et d’en jouir dès aujourd’hui.
Que devient le « sacré » ?
Les célébrations en ligne que Le Forum de l’évêque vous propose tiennent à la fois de la conviction juive et de l’expérience des premiers chrétiens, qui, souvent, se réunissaient pour lire et chanter les psaumes. Certes, elles peuvent dérouter. Pas d’église, pas de prêtre, pas d’autel, pas d’eucharistie, mais des visages en vignette et une parole qui circule entre tous. Et parfois même, à la place d’un visage, un carré noir avec un titre qui n’a parfois rien à voir avec le nom d’une personne…
Devant ce dépouillement par rapport à la tradition si riche de la liturgie catholique, une certaine crainte peut s’exprimer : Que devient le « sacré » ? Le penseur Max Weber a écrit que le christianisme avait désenchanté le monde et l’avait désacralisé. Plus de temple ni de montagne, dit Jésus à la Samaritaine, mais adorons « en esprit et en vérité ». Et de fait, le seul « sacré » chrétien, c’est le visage du frère, ou de la sœur. Quand deux ou trois sont réunis en son nom, Christ est présent. Alors, dans une célébration en ligne, devant tous ces visages en vignette, le « sacré » n’est-il pas bien honoré, parfois mieux qu’en des lieux qui lui sont dédiés ?
Elargir l’espace de notre tente
Célébrer ensemble est le second aspect qui peut nous affecter en profondeur. Évident que toute célébration est collective. Mais il faut de l’audace pour le faire sans la houlette d’un « ministre du culte ». Souvent, un respect humain freine nos élans. Combien de fois ai-je fait cette expérience d’un temps prévu pour la prière, qui se transforme en conversation, en commentaire ou en périphrases. Et pourtant….
Il y a aussi quelque chose de très raisonnable à célébrer ce Dieu plus grand que nous. Nous y élargissons le champ de nos relations, bien au-delà de ce à quoi nous sommes accoutumés, car nous entrons vraiment en relation avec cet absent-présent en qui nous croyons. Et surtout, la relation se construit aussi avec tous ceux qui, eux aussi, croient. En effet, la célébration partagée est ce moment privilégié où l’on ne peut oublier que la relation à Dieu ne se comprend que si elle est associée à la relation avec nos frères et nos sœurs.
Et alors, que de sentiments fleurissent ! Pour peu que les présents soient pleinement présents, à Dieu et à autrui, tout pourra se dire : la révérence, la crainte, la confiance, le reproche, la colère, l’amour, l’adoration, la joie, la tendresse, un sentiment exceptionnel d’élation, peut-être de l’éblouissement. La relation est alors à son plus large. Elle est entre Dieu et moi, entre moi et chacun des présents -lui aussi en relation avec Dieu-, et entre moi et moi, car autrui me révèle à moi-même. Célébrer « élargit l’espace de notre tente ». Célébrer nous humanise.
En hébreu, le mot « rendre un culte » peut aussi vouloir dire « cultiver ». Rendre un culte ou cultiver, c’est entretenir un rapport qui donne du fruit.
Heureux sommes-nous de célébrer ! Pour ceux qui le veulent et le peuvent, rendez-vous aux dates ci-dessous.
Très cordialement, Anne
Et concrètement ?
Vous êtes invités à célébrer la Parole
- Vendredi 22 mars de 18h30 à 19h30
- Lundi 25 mars de 9h à 10h.
Par ce lien, vous rejoindrez Eventbrite qui vous inscrira :
https://www.eventbrite.fr/e/billets-le-forum-de-leveque-ceelbration-de-semaine-sainte-842906495017?aff=oddtdtcreator
Certains d’entre vous se sont déjà inscrits parce qu’Evenbrite le leur a proposé, bien avant que je n’envoie ce courrier. C’est la première fois qu’ils le font. Cela n’a aucune importance. Le jour ou la veille de notre rencontre, je vous enverrai le lien de connexion. Ne suivez pas les propositions d’Eventbrite, d’expérience, elles ne mènent à rien.