Prix de la femme d’influence
En novembre 2021, j’ai reçu avec Linda Kebab le prix « coup de cœur » de 3la Femme d’influence ».
Voici le texte de ma courte intervention de remerciement.
Je veux dire ma gratitude envers le jury de la femme d’influence, qui a ouvert l’oreille à une candidature saugrenue, encore jamais vue, jamais entendue, celle de vouloir devenir évêque, ce qui, dans la tradition catholique, est strictement réservé aux hommes.
Je veux d’abord dire ma gratitude envers ceux qui n’ont pas voté pour moi. Car leur vote atteste de la pluralité actuelle de la société française. En tant que catholique, élue pour une action qui ne peut ignorer l’univers catholique, j’aurais été très embarrassée de devoir représenter, à moi seule, votre prix, et la cause des femmes que cette maison honore. J’aurais eu le désagréable sentiment d’usurper, un peu de mentir par rapport à la réalité de la société française actuelle, où les religions sont plurielles, où les combats des femmes le sont aussi.
Je dis donc ma joie d’être associée à Linda Kebbab, dans une cause qui nous est commune, celle des femmes. Le travail de Linda est ailleurs, mais il contribue à la même libération. Le travail d’émancipation des femmes a beau avoir déjà plus d’un siècle, il n’est pas achevé. Mais il ne s’arrêtera pas.
Je veux ensuite dire ma gratitude envers ceux qui ont voté pour ma candidature. Pour confirmer leur choix, je voudrais juste rappeler que le monde catholique auquel j’appartiens est, avec les deux autres monothéismes, le dernier bastion du machisme et du conservatisme en matière sociétale. Si ma candidature était décalée, presqu’amusante, elle était aussi une plainte. Dans la sphère catholique, nous ne le savons peut-être pas tous, mais les femmes sont trop souvent l’objet de violences. Une violence discrète, mais réelle. C’est la violence de l’invisibilité institutionnelle, un monde d’hommes qui décident ; de la séduction paralysante, d’un jugement dépréciatif systématique, et de l’exclusion des responsabilités réelles. C’est la violence de l’assignation autoritaire à une vocation d’épouse et de mère. C’est donc le déni d’une existence libre de ses choix de vie.
Je pense donc que votre jury m’aura rendu un immense service en retenant ma candidature. Pour l’ensemble des femmes catholiques, peu entendues dans leur propre monde, avoir l’appui de l’opinion publique non confessionnelle est aujourd’hui essentiel. Mais c’est essentiel aussi pour la société dans son ensemble, quelles que soient les convictions de chacun et de chacune. Car les religions ont de l’influence dans toute la société ; ces mondes ne sont pas étrangers l’un à l’autre. Par porosité, les discours inhibants se propagent, la conviction de valoir quelque chose se construit, ou se détruit. Donc, pour avoir osé mettre votre grain de sel dans ce monde-là, je vous suis reconnaissante.
En somme, vos votes différents ont bien fait d’être différents. Car chacun à leur manière, ils disent les attentes des femmes. C’est pourquoi je remercie fond du cœur les uns comme les autres.
Une femme d’influence
Influenza en italien : la grippe ! ce qui se propage, ce qui est contagieux.
L’influence, c’est ce qui passe d’une bouche à l’autre, d’une conscience à l’autre. Comme le feu dans une prairie sèche : le meilleur comme le pire.
L’influence, c’est en effet, le meilleur comme le pire. Madame de Maintenon, très pieuse et assez rigide, a convaincu Louis XIV par son influence, de revenir sur la tolérance donnée aux protestants au 17e siècle. Poussé par elle, il a révoqué l’Edit de Nantes. Il en est résulté une catastrophe, psychologique, sociétale, économique, car les protestants sont partis en Allemagne, aux Pays Bas, en Suisse, et y ont fait preuve d’un bel esprit d’initiative entrepreneuriale et d’une grande créativité intellectuelle. Exemple, donc, d’une influence peu constructive.
Vous avez aussi tous les influenceurs et influenceuses du domaine commercial. Là aussi, le meilleur comme le pire. L’influenceur, l ’influenceuse, travaillent sur les consciences. Sur notre liberté, donc. Ce que nous avons de plus précieux.
Comment discerner ? Á ce que notre influence ne soit pas basée sur le harcèlement (la publicité) ni la tromperie (les fakes news, les publicités mensongères). Qu’elle soit plutôt ancrée dans la vérité, la certitude que notre parole est vraie. Et qu’elle soit fondée sur une autorité morale. Que nous soyons toujours prêts à répondre de ce que nous disons. En somme, que nous fassions ce que nous disons.