Nos cathédrales naturelles
En ce début d’année, chers amis et chères amies, mes vœux iront à l’une de nos gloires nationales, le Mont Blanc, encore délicatement enveloppé de ses neiges éternelles.
Au même titre que Notre Dame, il est le fruit d’un travail immense et continu, celui de la nature. Et comme elle, il est menacé d’un feu, celui du réchauffement climatique. Avec une belle énergie, une foule d’artisans talentueux reconstruit Notre Dame. Et le 8 décembre prochain, fête de l’Immaculée Conception, la cathédrale sera rendue au public.
Mais du côté du Mont Blanc, du Mont Rose, du Dôme des Écrins, du Kilimandjaro, de l’Everest, même, et bien entendu des pôles, et dans toutes les zones glaciaires du monde, on souffre !
Pourront-ils un jour être rendus à leur vocation de château d’eau du monde ? Un château d’eau bien géré qui dispenserait une quantité d’eau constante, sans élever le niveau de la mer ?
Or, on en est loin, car la surface totale des glaces de la Terre pourrait avoir disparu à la fin du siècle. Un seul exemple : en 20 ans, le Glacier Blanc, dans le massif des Écrins a perdu plus de 16 m d’épaisseur, et depuis 1986, il a reculé de près d’1 km. Et selon les glaciologues, non seulement ce qui a déjà été perdu l’est irrémédiablement, mais la tendance est à l’accélération.
Si j’ai fait de notre précieux Mont Blanc le centre de cette lettre, chers amis, chères amies, c’est certes parce que tout citoyen est comptable de son patrimoine glaciaire, mais aussi parce que les chrétiens ont une responsabilité particulière.
Cela a souvent été dit, je me permets de le répéter ici, tant je sais que nous pouvons être des acteurs privilégiés de cette cause.
La première évidence à rappeler est que la nature est le cadeau de baptême du Créateur.
Le rédacteur du chapitre 1 de la Genèse montre, dans un langage symbolique, que Dieu s’occupe de tout, de la lumière, du firmament, des grands et des petits luminaires, des eaux, des sols, des espèces végétales et animales. Et au terme de son ouvrage, il place l’être humain dans un jardin… C’est tout dire !
Notre devoir est de protéger ce jardin et non d’asservir la nature, comme cela a parfois été compris.
En effet, au chapitre suivant, quand Dieu installe le couple dans le jardin, il leur demande de « le cultiver et le garder ». Notons que ce verbe « cultiver » signifie aussi « rendre un culte », c’est-à-dire honorer et protéger.
Or, la nature que Dieu nous a offerte, aujourd’hui, s’appauvrit. Il est donc de notre devoir de chrétiens de cesser nos comportements de prédateurs et de, positivement, venir à son secours.
La seconde évidence est que le Créateur, au chapitre 2 du même livre, demande au premier couple de se porter mutuellement secours et assistance. Si c’est sa première consigne, il y a lieu de penser que c’est la plus fondamentale, la plus propice à notre survie collective, tout simplement.
Á l’heure où le réchauffement climatique risque de déplacer des millions de personnes vivant dans des zones inondables, le Créateur crie à nos oreilles que nos alter ego sont menacés de mort.
La troisième évidence est que le Créateur a déposé l’espérance dans notre corbeille de baptême. Et en matière écologique, disposer de cette foi en l’avenir est un atout dont le prix est inestimable. Ceux qui ont bâti des cathédrales travaillaient pour un avenir qu’ils ne verraient jamais. De même, les efforts auxquels nous consentons aujourd’hui ne donneront de résultats que dans cent ans, parfois plus.
Espérer sans voir, c’est notre marque de fabrique, d’ailleurs partagée par la plupart des religions. Travaillons donc pour ce prochain inconnu, celui qui habite l’avenir. Dieu nous a donné l’espérance nécessaire pour faire ce saut dans le futur. Ne laissons pas ce don dormir sans en user. En servant, il aidera nos semblables.
Devant ces constats et cette responsabilité, que faire ?
Certes, on se rend compte que les décisions sont complexes et que, voulant polluer moins, nous polluons parfois plus, d’une autre manière.
Mais avant d’en arriver là, il y a quantité de gestes simples à adopter au plus vite. Il y a d’abord urgence à se laisser convaincre et à apprendre à convaincre, puis à réhabiliter le bien commun, cette valeur extraordinairement malmenée depuis une génération.
Il y a enfin à s’alarmer, non par des mots, mais par des actes, tout en essayant de ne pas pratiquer une écologie punitive, celle qui, en faisant la morale à bon compte, rebute plus qu’elle ne convainc.
Les glaciers doivent devenir des sanctuaires protégés. Les maires, les élus des zones de montagne et les préfets sont les premiers concernés.
Leur gestion doit dépasser les affaires courantes de leur périmètre pour assumer une responsabilité bien plus large, celle que leurs collègues des plaines n’ont pas les moyens de mettre en oeuvre.
Ils doivent, par exemple, promouvoir et diffuser une conscience écologique, en s’intéressant au rôle essentiel des glaciers dans la sauvegarde de l’eau d’une région, en faisant des touristes et des habitants permanents des citoyens protecteurs plutôt que de simples consommateurs et trop souvent des prédateurs.
Ils doivent les sensibiliser, par exemple, au rôle contestable des canons à neige qui consomment une grande quantité d’eau et transforment les paysages en créant des bassins artificiels.
Un bon principe serait de n’utiliser que la neige qui tombe, sans recourir à des moyens artificiels qui donnent l’impression trompeuse qu’il n’y a aucun problème d’enneigement.
Ils doivent aussi hâter les reconversions professionnelles de ceux qui travaillent dans les métiers de la neige et de la glace.
Mais la protection des glaciers commence à des milliers de kilomètres de distance, là où le réchauffement menace, c’est-à-dire partout.
Elle m’intime de moins chauffer mon domicile, de l’isoler, d’utiliser des énergies non fossiles.
Elle peut me pousser à militer pour que des mesures plus radicales soient prises, et plus tôt que prévu.
Pour que, par exemple, soit interdit ce commerce de glace, transportée à grands frais par une start Up en mal de spectaculaire, entre le Groenland et les Émirats…
Il n’y a pas d’écologie chrétienne ; il y a seulement une responsabilité particulière des chrétiens devant la gestion des dons de Dieu.
Si vous en êtes déjà convaincus, pardonnez-moi de le répéter.
Peut-être est-ce la vue de ces rochers, autrefois polis par la glace et désormais à nu sur les flancs des montagnes, peut-être est-ce la mémoire de tous ces étés où je m’inquiète d’entendre le chant de l’eau qui file à toute allure dans la mer, si ce n’est dans les égouts qui ont détourné tant de sources, oui, peut-être même est-ce en vous le disant que ma propre conscience se construit…
Merci de votre attention, soyons ensemble gardiens de ces glaciers dont nous avons tous besoin.
J’ai annoncé aux personnes présentes lors de nos dernières rencontres une pause, parce que beaucoup de sujets ont déjà été abordés.
En contrepartie, je me permettrai de vous envoyer une newsletter plus construite et plus régulière, et je vous proposerai environ tous les 3 mois une célébration de la parole en visio, autour d’un évangile commenté ensemble.
J’espère lire vos commentaires et propositions, si le cœur vous en dit.
Très cordialement, Anne. .